La mode du futur ou le futur de la mode ?

Imaginez que demain, nous puissions télécharger des vêtements comme on télécharge des séries ? Que nous puissions imprimer un pull comme on imprime un document. Aller à la Fnac acheter des cartouches de fil au lieu des cartouches d’encre. Regarder des vidéos comparatives entre telle et telle marque de fil comme on regarde aujourd’hui des vidéos de chatons trop mignons. Mieux, voir Apple annoncer sa nouvelle invention révolutionnaire, l’AppleShirt pendant que Samsung réplique avec une gamme de tissus Galaxy XS et XL.

Aujourd’hui tout cela peut nous sembler abscons, voir absurde, et pourtant, un peu partout dans le monde, des développeurs, ingénieurs, inventeurs imaginent de nouvelles façon de concevoir, de consommer la mode. Et quand l’un de ses projets deviendra plus viable que les autres, les grands groupes d’aujourd’hui comme Amazon, Apple, Microsoft & Co ne manqueront pas de se jeter sur la brèche. Le vêtement intelligent guise de proue.

Mais bien avant d’en arriver là, ces projets, encore balbutiant, existent et se laissent dévoiler, et de fil en aiguille, on entrevoit un bout du futur. Un futur bien présent, un futur qui sera peut-être passé de mode demain, mais à qui on à envie de donner un petit coup de projecteur aujourd’hui. J’ai choisi de braquer la lumière sur deux projets.

Deux projets, et donc, deux visions. Radicalement différentes, et pourtant, elles partagent la même ambition. Nous replacer nous, consommateur, au coeur de la création. L’un est un robot tricoteur, qui s’imagine remplacer mamie au coin du feu. L’autre est une imprimante 3D, qui fabrique du tissus sur mesure.

L’un existe, l’autre bientôt. Découvrons-les ensemble.

Open Knit, la mode pour tous

Open Knit part d’une idée un peu folle: et si on remplaçait mamie dans le rôle de la tricoteuse ? Ou plus sérieusement: et si on pouvait télécharger des patrons du monde entier et qu’on avait une machine pour les tricoter à notre place ?

C’est de ce postulat de départ que Gérard Rubio a décidé de construire une machine capable de tricoter des vêtements. Construite à partir de pièces facilement trouvable, et d’un système informatique ouvert (je reviens sur ce point dans un instant), il a réussi à mettre à la portée de n’importe quel bricoleur, cette tricoteuse électronique, ou plutôt, ce métier à tisser futuriste.

Baptisé, Open Knit, vous pouvez télécharger les plans pour fabriquer ce bout de futur sur leur site officiel openknit.org et mieux encore, si vous avez déjà succombé pour une imprimante 3D (ou que vous avez un FabLab non loin de chez vous), vous pouvez même imprimer une bonne partie des pièces !

Je parlais tout à l’heure d’un système informatique ouvert. En effet, le créateur à décider de mettre son projet en Open Source, c’est à dire qu’il n’y a aucun secret de fabrication et que tous les éléments nécessaires à sa fabrication, des matériaux au logiciel, sont documentés et disponible pour tous. Cela signifie que non seulement, vous pouvez fabriquer votre propre machine, mais que n’importe qui peut améliorer le système et le mettre à disposition de tous. L’Open Source est un gage de réparabilité, d’évolutivité et d’intéroperabilité, qui est au logiciel ce que la slow fashion est à la mode: éthique et responsable.

OpenKnit Wally 120

L’autre avantage d’avoir un robot tricoteur, c’est que vous pouvez créer des patrons et les partager instantanément avec la terre entière, et donc, profiter en retour de ceux crée par la communauté. Une petite recherche sur Google Image nous montre qu’il y a déjà pas mal de patrons disponible, alors que la communauté est encore relativement petite. Si l’exemple de l’impression 3D est un indicateur, nous devrions avoir d’ici quelques années (peut-être même moins) de nombreux site web proposant des patrons, gratuits ou payants.

Le futur c’est bien beau, mais concrètement, où en est le projet aujourd’hui:

Pour environ 600€ (sans main d’oeuvre), vous pouvez fabriquer la machine, créer, télécharger et partager des patrons. Mais le projet étant encore jeune, il vous faudra être l’âme d’un bricoleur et ne pas avoir peur des mettre la main à la patte. Si vous parler la langue de Shakespeare, voici même le mode d’emploi pour la monter. Plus coloré et pas à pas qu’une notice Ikea !

Et si Open Knit n’est pas assez avancé pour vous, il existe d’autres projets similaires, plus aboutis, comme Knitic:

Tout ceci est encore expérimentale, mais nous donne déjà un aperçu de ce que nous allons bientôt pouvoir faire à la maison. Mais ce n’est pas tout, d’autres ingénieurs s’échinent à trouver des moyens d’imprimer du tissus. Et c’est ce que fait Electroloom, qui vient d’annoncer la mise en production des premiers exemplaires de test de son imprimante.

Electroloom, l’impression 3D de tissus

Autre futur, autre histoire, celle d’Electroloom, start-up fondée par un trio de ingénieurs, et qui a réussi le pari assez fou de créer du tissus sans tissus. Il faut dire qu’ils sont spécialisé dans la biomécanique, secteur essaye de comprendre comment fonctionnent les propriétés mécaniques des organismes vivants pour pouvoir ensuite les re-créer de toutes pièces. Si vous êtes anglophone, je vous recommande leur blog technique tout bonnement passionnant, même si parfois, on se retrouve complètement dépasser par les termes techniques.

Comme vous pouvez le voir sur la vidéo ci-dessous, ils étaient, il y a un an, aux balbutiements de leur technologie. Et la semaine dernière, ils ont annoncé que la première série, celle de test, de leur imprimante serait livrée très prochainement aux testeurs. Et si cela vous dit de tester, ils ont même mis en ligne un formulaire pour faire parti des quelques heureux élus de cette première fournée.

Electroloom AlphaUnit

L’impression 3D de matériaux, déjà une réalité

Jweel Création de bijoux personnalisés

Sans aller très loin dans le futur, l’essor des imprimantes 3D (dont les premiers prix public avoisinent les 400€ aujourd’hui) ont permis à de petits créateur de confectionner des gammes de bijoux ou d’accessoires en PVC (ou en PLA, un plastique fait à partir de Maïs et 100% biodégradable, mais aussi plus fragile dans certaines conditions) depuis leur domicile, et il y a même déjà des services en lignes, comme le frenchie Jweel.com, qui permettent de créer son bijou directement en ligne et de l’imprimer en 3D dans des matériaux plus nobles comme l’or ou l’argent (mais dont les imprimantes ne sont pas encore accessible au grand public).

Une dernière pour la route

Nous sommes en 2015, et l’impression 3D de matériaux ou de textile semble être l’un des futur de la mode. Mais nous ne sommes pas les seuls à le penser. En 2012 déjà, Mary Huang, de Continuum Fashion, l’évoquait dans une conférence au NEXT de Berlin. L’intitulé de la conférence: L’impression 3D, le future de la Mode.

C’est en anglais, mais si vous maitrisez, ces 19 minutes valent le détour. Bienvenue dans le futur.