Vendredi 24 avril, dans plus de 70 pays à travers le monde, des milliers de gens se sont retrouvés pour commémorer le drame du Rana Plaza.

Ce vendredi, je me suis donc rendu à l’événement organisé par l’antenne française de Fashion Revolution afin de rendre hommage aux 1138 ouvriers du Rana Plaza mais aussi afin de demander plus de transparence et d’éthique aux marques de modes.

Nous étions nombreux rassemblés dans un lieu atypique afin d’assister le matin à une conférence sur le thème de la transparence dans la mode. L’après-midi nous nous sommes à nouveau retrouvés dans une ambiance bon enfant pour des ateliers-rencontres.

Une journée à l’archipel – La conférence

L'archipel Aurore Paris 75008 Fashion Revolution Day 2015

 

L'archipel Aurore Paris Rue de St Petersbourg

Comme je le disais, la journée s’est déroulée dans un lieu atypique, un ancien couvent reconverti en lieu de rencontre : l’Archipel. En plein coeur de Paris, ce bâtiment à été mis à la disposition de l’association Aurore depuis 2012 et sert depuis (entre autres choses) comme lieu d’hébergement d’urgence.

Le matin, nous avons eu la chance d’assister à une conférence qui avait pour thème la transparence et l’éthique dans la chaîne de production. Cette conférence s’est divisée en 2 table rondes avec des intervenants venant de différents milieux : activistes, professeurs, industriels, créateurs de mode…

1ère table ronde

Pour démarrer cette conférence, l’animatrice (et organisatrice) de la conférence, Hélène Sarfati-Leduc a donc invitée 3 participantes : Nayla Ajaltouni du collectif Ethique sur l’étiquette, la créatrice de mode Sakina M’Sa et l’activiste Quitterie de Villepin.

Conference Fashion Revolution Day Sakina M'sa Collectif éthique sur l'étiquette Quitterie De Villepin

Le collectif Ethique sur l’étiquette travaille depuis 1995 pour promouvoir le droit des travailleurs et de meilleurs conditions de travail dans les pays en développement. Le collectif a plusieurs campagnes à son actif comme par exemple « Libère tes fringues » lancée entre 1996 et 1997 et qui a permis d’envoyer plus de 200 000 cartes postales à des grandes marques en leur demandant plus de transparence sur leur chaîne de production.

La campagne actuelle du collectif s’intitule #soldées et vise à dénoncer les conditions de travail de l’industrie du textile et à demander aux marques la mise en place d’un salaire vital.

Si vous souhaitez participer et signer la pétition, c’est ici.

En outre, le collectif milite également auprès des politiques afin de mettre en place des lois pour instaurer plus de transparence dans la chaîne de production textile. L’un de ces projets de loi s’intéresse au devoir de vigilance des entreprises qui permettrait de tenir responsables les entreprises des violations des droits humains ou dommages environnementaux causés par leurs activités. Pour l’instant, la proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée Nationale mais le chemin est encore long avant que cette loi soit réellement adoptée et mise en place.

La seconde intervenante de la conférence était Quitterie de Villepin, une activiste web mais aussi et surtout une citoyenne et mère qui souhaite savoir d’où proviennent les vêtements qu’elle achète pour ses enfants. Plutôt que dénoncer, Qutterie a choisi d’engager le dialogue avec les marques afin de comprendre où sont fabriqués les vêtements qu’elle trouve en boutique. Pour cela, elle a notamment écrit une lettre à Petit Bateau qui n’indique pas le lieu de fabrication sur ces vêtements (l’indication « Made In » n’est plus obligatoire en Europe).

La troisième intervenante de cette table ronde était une créatrice de mode, Sakina M’Sa. Cette créatrice a décidée faire de sa marque une entreprise sociale en créant un atelier de couture à Paris, dans le quartier de la Goutte d’Or. Par ailleurs, les tissus utilisés pour la collection sont rachetés à des grandes maison de couture pour leur donner une seconde vie.

2nde table ronde

Conference Fashion Revolution Day Veja IFM Alter Tex Constance Bost

Pour la seconde table ronde, 4 invités étaient présents : Nathalie Ruelle, professeur à l’Institut Français de la Mode (IFM), Constance Bost auteure d’une étude sur l’éthique dans la mode et créatrice d’une marque (l’Atlier de Couture), Sebastien Kopp co-fondateur de la marque eco-responsable Veja et Eric Boel patron d’une PME française de tissage.

Nathalie Ruelle, professeur à l’Institut Français de la Mode, était la première à prendre la parole. Elle nous a parlée de la chaîne de valeur textile et de la complexité de la chaîne de production textile.

En effet, de la culture et transformation de la matière première puis l’ennoblissement de celle-ci (teinture) avant  la confection du vêtement (coupe, couture), l’industrie textile demande l’intervention de nombreux savoir-faire.

Cependant, la valeur d’un vêtement ne provient pas uniquement de son coût de production, ainsi le coût de la marque et de la distribution sont également à prendre en compte. Par ailleurs, l’un des leviers les plus importants dans la chaîne de valeur textile et le coût immatériel du marketing et de la publicité.

Jusque dans les années 70, on considérait que le prix d’un vêtement était constitué à 80-90% du coût de production et 10% du coût de marketing. En moins de 30 ans, cette tendance s’est inversée et aujourd’hui le coût de production ne représente plus que 10% du prix d’un vêtement. Les 90% restants représentants le coût de marketing.

Aujourd’hui, il coûte donc plus cher aux marques de nous donner envie d’acheter que de produire le vêtement lui-même.

Cela créé une confusion des valeurs. Aujourd’hui, les consommateurs ne connaissent plus le prix des choses. Cette confusion provient en grande partie de l’arrivée sur le marché des marques de Fast-Fashion. Celles-ci ont complètements bouleversées les codes et les pratiques de l’industrie textile et l’approche collective de la mode en créant un désir qui n’existe pas notamment avec la multiplication des ‘micro saison’ (jusqu’à 52 par ans) qui poussent le consommateur à se rendre en boutique de plus en plus souvent.

C’est ensuite Constance Bost qui a pris la parole, cette créatrice de mode a écrit une étude sur l’éthique dans la mode en partenariat avec l’école Science-po.

Cette étude lui a notamment permis de constater que cette recherche du moins cher n’est en fait intéressante qu’à court terme et que les entreprises ont au contraire tout intérêt à mettre en place une politique de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) forte.

Sebastien Kopp, co fondateur de la marque Veja était notre troisième intervenant. Il nous a notamment raconté la genèse de la marque Veja et les valeurs sur lesquelles elle a été bâtie (transparence, eco-responsabilité, engagement social).

Veja est une marque de basket produites au Brésil. Les matières utilisées sont toutes éco-responsables, tout comme les processus de fabrication (tannage végétal, coton biologique). Par ailleurs, l’humain est également au centre de la marque.

Sebastien Kopp nous a ainsi raconté comment lui et son associé ont passés plusieurs mois dans la future usine de fabrication de leur collection, avec les ouvriers afin de comprendre et d’appréhender les conditions et les méthodes de travail.

L’un des points soulevés par Sébastien Kopp et qui me semble particulièrement important est que

éthique et esthétique sont indissociables.

En effet, si la mode éthique a bien souvent une mauvaise image c’est parce que pour beaucoup, éthique rime avec vêtements de hippie en chanvre. Or il est tout à fait possible de faire des vêtements qui soit à la fois beau et éthiques.

Enfin, notre dernier intervenant était Eric Boel, chef d’entreprise et industriel. M. Boel est le dirigeant d’une entreprise de tissage (Tissages de Charlieu) dans la Loire.

Si il peut nous sembler que l’industrie textile est morte en France, elle représente tout de même aujourd’hui 60 000 emplois, ce qui n’est pas rien et M. Boel s’engage pour faire vivre et pérenniser ce secteur d’activité notamment à travers un réseau d’entreprises françaises et européennes : Alter-Tex.

Pour lui, si faire produire en France est aujourd’hui difficile et coûteux, notamment du fait du coût social élevé et des legislations environnementales strictes, la solution n’est pas de baisser les standards mais bien de valoriser les processus vertueux.

Pour cela, une mesure issue du Grenelle de l’environnement pourrait aider, l’affichage environnemental. Cette initiative permettrait d’analyser la traçabilité des articles tout au long du cycle de vie du produit, mettant ainsi en lumière les articles produits de façon éthique et responsable.

Cette initiative doit être mise en place à partir de 2016-17 en France mais elle se fera sur la base du volontariat d’où la nécessité de créer un organisme indépendant capable d’analyser l’impact social et environnemental des articles en magasins.

Conclusion – une conférence enrichissante

Ces 2 heures de conférence ont été pour moi particulièrement enrichissant. L’intervention de personnes issues de secteurs d’activités et de milieux différents était particulièrement intéressant car il a permis d’apporter des points de vue différents et de mettre en lumière la nécessité tant économique qu’humaine de transparence dans la chaîne de production de la mode.

Le discours qui m’a très certainement le plus touché est celui de Sebastien Kopp, co-fondateur de la marque Veja. Son engagement et sa passion était perceptible et il est passionnant d’en apprendre plus sur l’aventure humaine que représente la création d’une marque telle que Veja.

Fashion Revolution Day Conference #whomademyclothes

Fashion Revolution Day #whomademyclothes

Une journée à l’Archipel – Les ateliers

Après une matinée intense et un déjeuner bien mérité, nous nous sommes retrouvé l’après-midi pour des ateliers découvertes.

Plusieurs marques / associations étaient ainsi présentes.

Les filles du facteur

Fashion Revolution Day Les filles du facteur

 

Cette association permet le recyclage des sacs plastiques, en les transformant en accessoires et objets de décoration. Vous pouvez d’ailleurs découvrir et acheter les objets ici.

Vendredi, nous avions donc la possibilité d’apprendre à faire du crochet avec une matière première plutôt atypique !

Les filles du facteur recyclage sac plastiques Fashion Revolution Day

Woolkiss

Fashion Revolution Day 2015 tricot Woolkiss

L’autre activité de l’après-midi était le tricot, avec la marque Woolkiss. Cette marque propose des kits de tricots pour les tricoteurs débutants mais aussi pour les plus confirmés. Dans chaque kit vous retrouverez tout ce dont vous avez besoin pour réaliser votre article (aiguille, laine, accessoires et instructions détaillées). Et si cela n’est pas suffisant, vous avez également des vidéos explicatives sur le site.

Par ailleurs, il faut également noter que toutes les matières utilisées dans les kits sont naturelles et sourcées en France ou en Europe.

Laure, la créatrice de la marque était donc présente vendredi et j’ai décidé de me lancer. Je n’ai jamais été bien douée avec mes mains, en effet, malgré une maman couturière, mes talents se résument à recoudre les boutons ;-)

C’est donc avec un peu d’appréhension que je me suis installée à la table des tricoteuses. Et finalement, grâce aux explications et à la patience de Laure, j’ai réussi à me confectionner une manchette, et mieux encore, c’était finalement bien loin d’être aussi compliqué que je le pensais !

Depuis vendredi, je suis allée faire un tour sur le site de Woolkiss, et je vous avoue que ma CB me démange, je crois que je vais retenter l’expérience du tricot ! (grande amatrice de noeud papillon que je suis, j’ai remarqué un modèle que je verrais bien terminer autour de mon cou).

Petite précision, vendredi nous n’avons pas utilisé de laine pour l’atelier mais une matière recyclée, le trapilho. Il s’agit d’un jersey recyclé (issu des chutes de tissus de l’industrie de la mode).

FRD 2015 Woolkiss Trapilho

Woolkiss Bobine Jersey Recyclé Trapilho

 

Pour finir, tout au long de la journée, une exposition sur la production de vêtements, ces dangers et les solutions existantes était visible à l’Archipel.

Fashion Revolution Day exposition #whomademyclothes

 

En conclusion, cette journée a vraiment été enrichissante et passionnante, entre rencontres et découvertes, je suis repartie en ayant la certitude que la mode éthique est bien l’avenir de la mode et mon engagement n’en ai que plus fort. Je remercie donc toute l’équipe de Fashion Revolution Day France pour leur travail et leur engagement !

 

 

 

 

 

 

 

 

Stéphanie
Fashionista d'un nouveau genre, je vous fais partager ma passion pour la mode éthique et responsable.